Demande d’autorisation d’IEF : points de vigilance pour préparer votre dossier

Nous n’allons pas reprendre ici toute la règlementation de l’actuel régime d’autorisation d’IEF, mais seulement les points juridiques et pratiques du dossier de demande d’autorisation.

A cela nous ajoutons les points de vigilance qu’il faut respecter pour mettre le plus de chances possibles de votre côté, lorsque vous faites votre demande d’IEF au titre du « motif 4 » de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, à savoir : « l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif ».

En effet, concernant ce motif particulier, la politique d’autorisation de la grande majorité des académies s’est avérée en 2022 très restrictive. Il faut donc soigner votre dossier de demande en mettant l’accent sur certaines particularités liées aux besoins de l’enfant et au programme d’éducation que vous comptez lui donner.

Cette politique restrictive qui amène souvent les académies à refuser l’autorisation entraîne pour les parents la mise en œuvre de recours pour lesquels nous vous indiquerons également certains points de vigilance.

Rappel sur les obligations légales essentielles

  1. Enfants concernés :

Enfants entre 3 et 16 ans résidant en France, quelle que soit la nationalité. Le regroupement est possible mais uniquement au sein d’une seule et même famille. 

  1. Transmission de la demande :

Au Dasen, entre le 1er mars et le 31 mai inclus précédant la rentrée scolaire.

Mais, selon le second alinéa de l’article R131-11 du code de l’éducation, « La délivrance d’une autorisation peut toutefois être sollicitée en dehors de cette période pour des motifs apparus postérieurement à cette dernière et tenant à l’état de santé de l’enfant, à son handicap ou à son éloignement géographique de tout établissement scolaire public. » 

  1. Motifs permettant l’instruction de votre enfant dans la famille (article L.131-5 du code de l’éducation) : 
  • Motifs identifiés dans le cerfa :
      • État de santé de l’enfant,
      • Situation de handicap de l’enfant,
      • Pratique d’activités sportives ou artistiques intensives de l’enfant,
      • Itinérance de la famille en France,
      • Éloignement géographique de tout établissement scolaire public,
      • Existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif.
  • Motif particulier :

Intégrité physique ou morale de l’enfant menacée dans son établissement scolaire.

Ce motif très marginal est prévu au 14ème alinéa de l’article L131-5 du code de l’éducation et l’organisation de la demande y afférente est réglementée par l’article R131-11-7 du même code :

« Les personnes responsables de cet enfant informent, le cas échéant, le directeur de l’établissement d’enseignement de leur souhait de l’instruire dans la famille. Le directeur de l’établissement leur indique les différentes réponses pouvant être apportées à cette situation.

A l’issue de cette concertation, le directeur de l’établissement remet aux personnes responsables de l’enfant, lorsqu’elles s’orientent vers une demande d’instruction dans la famille de l’enfant, un avis circonstancié sur ce projet. »

La demande d’autorisation comporte tous les documents en rapport avec les autres motifs (sauf ceux spécifiques au motif 4) plus ceux requis au titre du motif de la demande, à savoir : « l’avis circonstancié du directeur de l’établissement ainsi que tout document utile de nature à établir que l’intégrité physique ou morale de l’enfant est menacée. » 

La demande peut être envoyée dès la réception de ces pièce (pendant ou en dehors de la période normale) et l’enfant peut être temporairement instruit dans la famille en attendant la décision du Dasen.

A. La procédure diffère selon votre situation

1. Votre enfant est instruit dans la famille en 2021-2022 et les résultats du contrôle pédagogique ont été jugés suffisants : 

  • Vous devez également transmettre au Dasen les éléments suivants :
    • Votre justificatif d’identité
    • Justificatif d’identité de votre enfant
    • Justificatif d’identité de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant (si vous ne vous chargez pas vous-même de cette instruction).
    • Justificatif de domicile
    • Et les documents en rapport avec le motif pour lequel l’autorisation d’IEF vous a été accordé en 2022 (certificat médical (cerfa n°15695), décisions relatives à l’instruction de l’enfant de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), attestation d’inscription auprès d’un organisme sportif ou artistique, documents justifiant de l’impossibilité pour l’enfant de fréquenter un établissement scolaire donné, en raison de l’itinérance, de l’éloignement géographique ou prouvant que l’intégrité physique ou morale de l’enfant est menacée et projet éducatif et copie du diplôme du baccalauréat, en cas de « motif 4 », etc.

2. Vous faite votre première demande d’IEF : 

  • S’il s’agit d’une « situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif », vous devez également transmettre au Dasen les éléments suivants :
    • Votre justificatif d’identité
    • Justificatif d’identité de votre enfant
    • Justificatif d’identité de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant (si vous ne vous chargez pas vous-même de cette instruction).
    • Justificatif de domicile
    • Présentation écrite du projet éducatif. Cette présentation doit comporter les éléments essentiels de l’enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d’apprentissage de l’enfant. Vous devez donc y décrire la démarche et les méthodes pédagogiques mises en œuvre. Vous devez aussi y indiquer les ressources et supports éducatifs utilisés. L’organisation du temps de l’enfant (rythme et durée des activités) doit également être précisée. Si un organisme d’enseignement à distance participe aux apprentissages de l’enfant, vous devez aussi décrire le contenu de sa contribution
    • Tout document utile justifiant de la disponibilité de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant
    • Copie du diplôme du baccalauréat ou de son équivalent de la personne chargée d’instruire l’enfant. Ou un titre ou diplôme étranger comparable à un diplôme de niveau 4 du cadre national des certifications professionnelles
    • Déclaration sur l’honneur de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant d’assurer cette instruction majoritairement en langue française (annexe Cerfa 16212).

B. Procédure d’envoi

Une fois votre demande déposée et validée sur la plate-forme « Démarches simplifiées », elle est reçue par les services de la direction des services départementaux de l’Éducation nationale qui vérifieront si votre dossier est complet.

  1. Si votre dossier est complet, vous recevrez une réponse dans un délai maximum de 2 mois. En application de l’article L. 231-1 du code des relations entre le public et l’administration, le silence gardé pendant deux mois par l’autorité de l’Etat compétente en matière d’éducation sur une demande d’autorisation formulée en application du premier alinéa du présent article vaut décision d’acceptation.

Donc, passé ce délai et en l’absence de réponse de la DSDEN, votre demande d’autorisation est implicitement acceptée.

Lors du dépôt du dossier gardez bien la preuve de son envoi effectif, soit par mail en demandant un accusé de réception, soit en gardant la preuve de dépôt de votre lettre recommandée, soit un récépissé de remise en main propre ou l’accusé de dépôt si vous l’avez fait de manière dématérialisée.

Cette autorisation est valable un an et doit être renouvelée chaque année. 

  1. Si votre dossier est incomplet, l’article R131-11-6 dispose :

« Lorsqu’il accuse réception de la demande, le directeur académique des services de l’éducation nationale fixe, le cas échéant, le délai pour la réception des pièces et informations manquantes, qui ne peut être supérieur à quinze jours. »

C. Règles concernant les recours, en cas de refus d’autorisation

  1. Recours devant l’administration (recours gracieux) :
    • Surtout, ne vous découragez pas ! Diverses associations nationales comme « liberté éducation » (https://www.liberteeducation.com), « Les Enfants d’Abord » (LED’A en abrégé) (https://www.lesenfantsdabord.org), dont certaines dirigées par un président-avocat, peuvent vous épauler dans vos démarches. Contactez-les sans tarder avec “refus d’autorisation” dans l’objet de votre message, en expliquant votre situation précise. Une liste des associations IEF vous est proposée en bas de page.
    • Impérativement sous 15 jours, vous devez faire un recours auprès de la commission de contrôle de votre académie, appelé « recours administratif préalable obligatoire » (RAPO).
    • Vous devez l’envoyer par lettre avec accusé-réception, en tenant compte de la date de dépôt à la poste inscrite sur votre enveloppe (elle doit entrer impérativement dans le délai pro forma des 15 jours pour exercer le recours. La plupart des associations proposent un modèle de lettre de recours à adapter en fonction de votre motif de refus.
    • Si vous le jugez utile ou si cela vous est demandé, améliorez le projet pédagogique. Il est souvent nécessaire de corriger ou développer quelques points sensibles, ne serait-ce que pour prouver votre souci de bien faire auprès de la commission des recours.

Là encore, la plupart des associations spécialisées proposent un guide pour ce faire. Très souvent, elles vous demandent d’adhérer à leur instance nationale, pour mieux vous défendre auprès de leurs contacts dans les académies.

    • Saisissez également le Défenseur des droits au niveau local avec son délégué, en lui envoyant par mail une copie de votre lettre de recours.
    • Vous pouvez aussi appeler à l’aide votre député (vous trouverez son adresse mail sur fr.). Vous pouvez, en même temps que vous exposez votre cas, lui faire part de la situation difficile des familles dans ce domaine, eu égard à la pratique très sévère et quasi-arbitraire, des académies.
    • Si le recours administratif vous fait droit, une décision d’autorisation qui annule et remplace la décision de refus vous sera envoyée. Dans le contexte actuel (décembre 2022- avril 2023), selon le ministère de l’Education nationale, environ 51% des recours administratifs préalables obligatoires (RAPO) ont abouti.
    • Si le recours administratif ne vous fait pas droit (et à la différence de la première demande, le silence de l’administration dans le cadre d’un RAPO vaut rejet), vous avez la possibilité de faire un recours devant le tribunal administratif.

Pour vous accompagner dans cette tâche compliquée, les associations susnommées proposent de vous mettre en lien avec leurs avocats.

  1. Recours devant le tribunal administratif (recours contentieux) :

Il s’agit ici de saisir le tribunal administratif pour contester une décision de l’administration que vous jugez « illégale ». Deux procédures sont envisageables : une procédure au fond, dite « en annulation de la décision », une procédure en urgence, dite « de référé-suspension »

    • La procédure en annulation de la décision.

Vous pouvez saisir le tribunal administratif compétent pour demander l’annulation de la décision de refus d’instruction en famille et en conséquence d’enjoindre l’administration à délivrer une autorisation d’instruire l’enfant en famille.

Compte tenu de l’encombrement des tribunaux administratifs, le juge mettra plusieurs mois pour rendre sa décision. Durant ce délai, l’obligation scolaire impose que les enfants soient inscrits en établissements publics ou privés. Cette obligation est en général rappelée à la fin de la décision de refus.

Or, comme les délais sont très courts entre le refus opposé à votre demande et la rentrée scolaire, il est nécessaire de trouver une solution qui puisse suspendre la décision de refus d’IEF et ainsi autoriser l’instruction en famille en attendant que la décision du juge administratif. C’est le « référé-suspension » qui permet de saisir en urgence le tribunal administratif.

  • La Procédure de Référé-Suspension.

Dès le lendemain du dépôt du RAPO, sans attendre que la commission ait statué, le tribunal administratif peut être saisi en urgence par les parents, le cas échéant représentés par un avocat, par une requête en référé suspension (article L521-1 du code de justice administrative). Il convient de justifier l’urgence de la requête, qui résultera de la proximité de la rentrée et de l’importance pour l’enfant de pouvoir suivre une instruction en famille.

Pour saisir le juge administratif en « Référé », il est impératif d’avoir déposé au préalable un recours en annulation. Autrement dit, la recevabilité de la demande en Référé-Suspension est conditionnée à l’existence d’un recours au fond préalablement enregistré au Greffe du tribunal.

Les deux procédures peuvent être initiées concomitamment et, comme déjà précisé, sans attendre la décision de la Commission présidée par le Recteur d’académie. L’avocat conteste alors par anticipation la décision « à naître » de la Commission, afin de ne pas perdre de temps en cas de refus de la Commission.

  1. Les procédures en référé doivent être justifiées par plusieurs conditions :
  • L’urgence à statuer

L’urgence à ce qu’une décision soit rendue doit être démontrée.

Dans un recours contre un refus d’instruction en famille, l’urgence à statuer a été retenue par le juge et justifiée par les courts délais avant la rentrée scolaire et par l’importance pour l’enfant de pouvoir suivre une instruction en famille (tribunal administratif de Lille, 11 juillet 2022) ou par l’exigence illégale de l’académie d’une inscription immédiate de l’enfant dans un établissement scolaire en capacité de le recevoir (tribunal administratif de Rouen, 15 juillet 2022).

  • L’existence d’un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée.

Plusieurs arguments pourront être soulevés pour contester le refus d’autorisation d’IEF :

      • L’insuffisance de motivation, si la décision ne comporte pas les éléments de faits ou de droit la fondant ;
      • L’incompétence, si la décision n’a pas été prise par l’autorité compétente ;
      • L’erreur matérielle, si la décision s’appuie sur des faits erronés ou inexacts pour motiver le refus ;
      • L’erreur manifeste d’appréciation, si les faits ne sont pas contestés, mais qu’il n’est manifestement pas justifié de se fonder sur ces faits pour refuser l’instruction en famille ;
      • L’erreur de droit, si le DASEN et la commission exigent des conditions non prévues par les textes.
      • La méconnaissance de l’intérêt supérieur de l’enfant protégé par la convention internationale des droits de l’enfant (20 novembre 1989).

Le caractère discriminatoire du refus d’autorisation pourra également être soulevé. Rappelons que le Conseil constitutionnel a jugé dans sa décision relative à la loi créant le régime d’autorisation pour l’instruction en famille qu’« il appartiendra, sous le contrôle du juge, au pouvoir réglementaire de déterminer les modalités de délivrance de l’autorisation d’instruction en famille conformément à ces critères et aux autorités administratives compétentes de fonder leur décision sur ces seuls critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit. » (Décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021).

Si le recours aboutit, la décision de refus est suspendue, le juge délivre une ordonnance de référé valant autorisation provisoire permettant à l’enfant d’être instruit à domicile. Le délai de cette procédure est d’environ trois semaines – 1 mois à compter de la saisine du juge des référés.

Le jugement au fond interviendra plusieurs mois après la décision de référé…

Points de vigilance à exercer pour préparer votre dossier de demande d’autorisation

A. Climat général de l’application de la loi

Dans certaines académies, comme l’a reconnu le ministre, « c’est un non très massif » : par exemple dans l’académie de Toulouse, avec plus de 90% de refus… Instruire en famille est pourtant une liberté fondamentale garantie par la Déclaration universelle des Droits de l’Homme en son article 26-3 : « Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants ». En effet, les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants.

  1. Il apparaît donc que la loi et sa mise en œuvre par l’administration scolaire sont clairement discriminatoires et visent à restreindre sans raison valable et par pur calcul politique les possibilités de recourir à l’instruction en famille, notamment en ce qui concerne l’application du « motif 4 ».
  • En effet, le « motif 4 » fait l’objet d’exigences documentaires plus lourdes.

Comme vous pouvez le remarquer dans les éléments à fournir dans le dossier de demande d’autorisation, ce « motif 4 », qui est le plus commun et le plus répandu des motifs invoqués par les parents, est le seul qui comporte des exigences quant au diplôme de « la personne chargée d’instruire l’enfant » et quant aux garanties sur l’utilisation de la « langue française dans l’instruction » assurée. 

  • Par ailleurs, ni la loi ni son décret d’application ne définissent ce qu’est le fond du « motif 4 », ce qui permet à l’administration de refuser l’autorisation d’IEF sur une simple appréciation négative, arbitraire, sans motivation étayée. Ceci est contraire aux règles du droit administratif qui garantissent l’équité et la sécurité juridiques des décisions rendues par les agents de l’administration.

Et malheureusement, ce flou n’est pas éclairé davantage par les décisions des tribunaux qui refusent pour le moment de s’engager dans une définition du « motif 4 ».

  1. Nous sommes donc, dans cette période de première mise en œuvre de la loi, soumis à des conditions restrictives à l’excès et injustes, mais parfaitement assumées par le ministère de l’Education nationale qui ne cherche pas à calmer les ardeurs intégristes des académies, voire qui leur enjoint en sous-main de rester dans un esprit de sélection drastique. Cela reste dans la logique contraignante et répressive de la politique gouvernementale qui fait peu de cas de la liberté citoyenne et ne garde de la démocratie que ses règles technocratiques.

Rien n’est dit ici pour vous décourager, mais au contraire pour vous armer du réalisme nécessaire à rassembler votre courage et votre détermination dans le parcours délicat dans lequel vous vous engagez pour offrir à votre enfant le droit d’être instruit en famille. Cela ne peut plus être fait avec la légèreté et la spontanéité de la bonne volonté, comme ce fut le cas avant la loi du 24 août 2021 dont la motivation principale est de lutter contre le « séparatisme », mais qui en fait sert à contrarier la liberté d’enseignement.

Au passage, notons qu’il n’existe pas d’exemple à ce jour de refus d’autorisation fondé sur ne serait-ce qu’un soupçon de « séparatisme » de la part des parents !

B. Repères possibles dans ce climat d’incertitude et de mauvaise foi

Compte tenu du peu de recul et de la difficulté à rassembler des informations précises sur la pratique de chaque académie dans l’application de la réforme du régime de l’IEF, nous ne pouvons juger de la pratique réelle en cours. Il est pourtant important de comprendre comment les académies interprètent la loi et fondent leurs décisions. En nous référant aux décisions rendues par les tribunaux et aux analyses effectuées par des avocats et des associations spécialisées en IEF, nous disposons de quelques repères à cet effet.

  1. Les éléments solides sur lesquels s’appuyer :
  • Le projet pédagogique

L’intitulé du « motif 4 » associe étroitement la « situation propre à l’enfant » et le « projet pédagogique », et autant la « situation propre à l’enfant » est et reste indéfinie, autant le projet pédagogique est clairement défini et même précisé dans les textes et les décisions judiciaires.

Selon le décret du 15 février 2022 relatif aux modalités de délivrance de l’autorisation d’instruction dans la famille, la demande doit comprendre :

«1o Une présentation écrite du projet éducatif comportant les éléments essentiels de l’enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d’apprentissage de l’enfant, à savoir notamment : «a) Une description de la démarche et des méthodes pédagogiques mises en œuvre pour permettre à l’enfant d’acquérir les connaissances et les compétences dans chaque domaine de formation du socle commun de connaissances, de compétences et de culture; «b) Les ressources et supports éducatifs utilisés; «c) L’organisation du temps de l’enfant (rythme et durée des activités) ; « d) Le cas échéant, l’identité de tout organisme d’enseignement à distance participant aux apprentissages de l’enfant et une description de la teneur de sa contribution ; »

A la suite des association IEF, on peut à partir de là définir concrètement :

  • Les composantes du projet pédagogique :
    • Les éléments essentiels de l’enseignement et de la pédagogie :

Il s’agit :

– Du programme d’enseignement que vous envisagez, appuyé sur « le socle commun de connaissances, de compétences et de culture », dans « chaque domaine de formation », imposé par l’Education nationale (cf. liens page 13).

C’est le programme nécessaire et suffisant que vous devez réaliser. Libre à vous de proposer plus, mais il n’est pas forcément pertinent de se montrer plus royaliste que le roi…

– Des méthodes pédagogiques que vous allez utiliser, soit des méthodes repérées (Freinet, Montessori), soit des méthodes personnelles que vous devrez définir et présenter (méthode fondée sur le rapport à la nature, aux animaux, sur une alternance de séances régulière d’activités physiques, artistiques, intellectuelles, sur des exercices d’attention spécifique, etc.).

Dans les méthodes choisies, bien sûr se dessine « la situation propre à l’enfant », puisque vous choisissez votre méthode non par idéologie, mais parce qu’elle convient particulièrement à votre enfant.

 

    • Les autres éléments qui concourent au projet pédagogique :

Il s’agit :

– Des ressources et supports éducatifs que vous allez utiliser, qui vont bien évidemment être en conformité avec le programme, mais également avec la manière dont l’enfant gère son intelligence et avec les méthodes que vous avez choisies pour développer cette intelligence et lui permettre de faire les acquisitions demandées. Et plus encore, si votre méthode vise un épanouissement personnel qui dépasse les exigences du programme, sans en altérer la teneur.

La cohérence entre ressources et supports éducatifs, méthodes pédagogiques, programme demandé et spécificité de la « situation propre de l’enfant » est un gage de bonne compréhension de ce que l’IEF peut apporter en tenant compte de la spécificité de l’enfant, sans pour autant montrer qu’on se désolidarise de l’Education nationale, encore moins qu’on s’y oppose.

A ce titre, chercher une partie de vos ressources et supports éducatifs sur les sites spécialisés de l’Education nationale (Eduscol, réseau-canopé) peut être un gage d’objectivité et de compétence. Mais vous êtes libres de choisir les ressources que vous souhaitez, à condition qu’elles soient adaptées au projet pédagogique et au programme. La plupart des associations IEF mettent également à disposition de nombreuses ressources documentaires…

Voici un lien qui propose de nombreux sites à consulter : https://www.maman-mammouth.com/ief-trouver-des-ressources-gratuites/

– De l’organisation du temps de l’enfant (rythme et durée des activités) que vous prévoyez :

On ne vous demande pas un emploi du temps quotidien ni même hebdomadaire sur l’ensemble de l’année scolaire. Aucune école n’est capable de le présenter. On vous demande de montrer que vous êtes capable de construire un emploi du temps en fonction du programme de la journée et de la semaine, en tenant compte des capacités et des besoins de votre enfant, besoin et capacités qui caractérisent sa « situation propre ».

La présentation d’une ou deux journées et semaines type, en fonction des activités prévues est intéressante, car elle montre que vous êtes en mesure de descendre dans le détail de votre pédagogie. On poursuit plus précisément ici, les liens entre « situation propre à l’enfant » et « projet pédagogique ».

Si une personne ou un organisme d’enseignement à distance participe aux apprentissages de l’enfant, la même qualité de présentation des prestations est recherchée. Il faut décrire le contenu de sa contribution avec un égal souci de cohérence et de précision. Si c’est un organisme agréé (genre CNED), il suffit d’expliquer en quoi vous lui faite appel et en quoi cela répond aux besoins et difficultés de votre enfant.

    • Les liens de cohérence entre les composantes du projet pédagogique et les spécificités de « la situation propre de l’enfant » :

– Programme et méthodes doivent être adaptés aux capacités de votre enfant :

Qu’il soit doué ou surdoué ou qu’il présente un handicap, une difficulté ou une spécificité intellectuelle, affective, sensorielle, émotionnelle, mentale, etc., vous devez montrer que vous avez mûrement réfléchi à ce qu’il faut à votre enfant pour qu’il progresse régulièrement à sa manière dans « l’acquisition des connaissances et les compétences » attendues par l’Education nationale.

C’est là que se précise « la situation propre » qui nécessite le recours à l’IEF. C’est là que vous devez mettre en évidence la logique de votre projet pédagogique qui doit apporter aux exigences ou aux difficultés de votre enfant, par l’instruction en famille, des réponses que l’école ne peut lui apporter.

– Programme et méthodes doivent être adaptés au rythme d’apprentissage de votre enfant :

Comme pour le programme et les méthodes, le rythme de travail et d’acquisition doit être maîtrisé. On ne vous demande pas de maîtriser la progression jour après jour ou semaine après semaine, ce que l’école elle-même n’est pas capable de faire, mais de prévoir une progression sur l’ensemble de l’année, répartie par trimestre. On retrouve ici sous un aspect général et prévisionnel, l’attention qu’on vous demande de porter dans l’organisation précise du temps de l’enfant à la journée ou sur une semaine examinée plus haut.

Là encore, se précise « la situation propre » de votre enfant qui nécessite le recours à l’IEF. C’est là que vous devez mettre en évidence l’attention que vous portez aux exigences des rythmes d’apprentissage, d’effort et de repos, aux limites également dont l’IEF peut tenir compte, alors que l’école, contrainte par les rythmes collectifs, ne peut apporter cette personnalisation. 

  • Les certificats et attestations concernant l’état de santé ou de handicap ou la spécialité sportive ou artistique de l’enfant
    • Position restrictive des Dasen (Directeur académique des services de l’éducation nationale) :

Les certificats et attestations étant délivrées par des autorités médicales, médico-sociales, sportives ou artistiques officielles, il ne devrait pas y avoir contestation possible. Sauf que certains Dasen interprètent la loi en considérant que le recours à l’IEF pour raison de santé de l’enfant n’est valable que « lorsque son état de santé rend impossible sa scolarisation dans un établissement d’enseignement public ou privé ».

Il est donc nécessaire de ne pas se contenter de décrire les difficultés de santé ou le handicap de votre enfant, il est important de montrer que cet état empêche votre enfant de fréquenter normalement l’école.

    • Pondération du Conseil d’état donnant plus de souplesse aux familles :

Néanmoins, le Conseil d’État tempère la sévérité d’interprétation des Dasen. Il considère, dans son arrêt du 13 décembre 2022, « qu’il appartient à l’autorité administrative… d’autoriser l’instruction d’un enfant dans sa famille lorsqu’il est établi que son état de santé rend impossible sa scolarisation dans un établissement d’enseignement public ou privé ou lorsque l’instruction dans sa famille est, en raison de cet état de santé, la plus conforme à son intérêt ».

Ainsi, la Haute juridiction administrative, sans écarter la notion de « scolarisation impossible », ouvre la voie à la justification fondée sur l’intérêt de l’enfant pour les demandes d’autorisation d’IEF concernant les situations liées à la santé.

Cela permet de prendre un peu de distance avec la rigueur du lien état de santé et impossibilité de scolarisation. Cependant cette ouverture impose de montrer comme pour le « motif 4 » que la demande d’autorisation pour état de santé est bien en rapport avec, non pas la situation propre de l’enfant, car les motifs ne sont en principe cumulatifs, mais avec l’intérêt supérieur de l’enfant. D’ailleurs, « l’intérêt supérieur de l’enfant » est explicitement nommé dans l’article 49 de la loi :

« L’autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées d’autres raisons que l’intérêt supérieur de l’enfant… » Suivent les 4 motifs principaux bien connus.

Pour le motif 4, « l’intérêt supérieur de l’enfant » est de nouveau invoqué : sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant à assurer l’instruction en famille dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. »

L’intérêt supérieur de l’enfant doit être ainsi régulièrement cité dans le projet pédagogique comme lien entre celui-ci et les spécificités de la « situation propre de l’enfant ».

2. L’élément d’incertitude qui complique la demande d’autorisation au titre du motif 4 :

Il s’agit de la manière dont « la situation propre de l’enfant » peut être interprétée et traitée par les rectorats et les tribunaux.

  • Que disent la loi et les décrets ?
    • L’article 49 de la loi du 24 août 2021, en établissant le « motif 4 », dispose que :

« L’autorité de l’Etat compétente en matière d’éducation peut convoquer l’enfant, ses responsables et, le cas échéant, les personnes chargées d’instruire l’enfant à un entretien afin d’apprécier la situation de l’enfant et de sa famille et de vérifier leur capacité à assurer l’instruction en famille.

 

    • Le décret du 15 février 2022 relatif aux modalités de délivrance de l’autorisation d’instruction dans la famille ne dit rien de plus sur la « situation propre à l’enfant » ;

Mais il alourdit le dossier de demande d’autorisation en exigeant des documents supplémentaires qui reflètent des contraintes que la loi ne prévoyait pas :

        • Des « pièces justifiant de la disponibilité de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant » ;

        • Une « copie du diplôme du baccalauréat ou de son équivalent de la personne chargée d’instruire l’enfant » ;
        • Une « déclaration sur l’honneur de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant d’assurer cette instruction majoritairement en langue française ».

La possibilité édictée par la loi de « convoquer à un entretien l’enfant et ses responsables, afin d’apprécier la situation de l’enfant et de sa famille et de vérifier leur capacité à assurer l’instruction en famille » montre chez le législateur un esprit de vérification qui ne se porte pas seulement sur les capacités d’instruire de la famille (ce qui est légitime), mais sur une « situation » indéfinie.

Cette « appréciation de la situation de l’enfant et de la famille », ne peut que renvoyer à une conformité socio-éducative qui n’est pas normalement contrôlable sous un régime démocratique. Elle ne peut l’être que s’il existe une suspicion de maltraitance, ce à quoi visent les enquêtes sociales diligentées lors d’informations préoccupantes. Il est clair qu’on passe ainsi de la vérification positive à la défiance.

C’est assez logique pour une loi visant à restreindre, soi-disant, les tentatives de communautarisme instrumentalisant les mineurs. Mais ces « bonnes intentions » de sauvegarde républicaine de l’enfance contiennent en elles-mêmes les germes d’une atteinte au principe démocratique qu’est la liberté d’instruire.

Et c’est en effet ce qui se produit au niveau de l’exécutif dans les décret d’application : le soupçon se durcit en un surcroît de contrôles concernant les personnes chargées de l’instruction de l’enfant et visant à restreindre le plus possible les autorisations d’IEF, ce qui reflète bien la volonté initiale du président Macron d’interdire l’IEF.

La pratique va suivre, particulièrement pour le « motif 4 » qui est l’expression même de la liberté d’enseignement, dans l’application des textes de loi par « l‘autorité de l’Etat compétente en matière d’éducation » : le Dasen donne un nouveau tour de vis et passe du contrôle à la restriction d’office qui frise le refus par principe ou par idéologie.

  • Que disent les juges suprêmes ?

Ils tiennent un discours contradictoire sur lequel il est difficile de s’appuyer pour savoir si la « situation propre de l’enfant » est ou n’est pas un critère d’autorisation et si cette « situation propre » doit être justifiée et validée ou non. Il en va de ce que l’on nomme la « sécurité juridique », essentielle dans une démocratie, un pays fondé sur l’égalité et la justice.

Mais il faut se faire une raison : il n’existe pas de véritable sécurité juridique, lorsque les situations sont appréciées diversement, tant par les autorités administratives que par les tribunaux, sur la base de décisions contradictoires de deux hautes juridictions sur trois, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’état (la Cour de cassation n’est pas saisie en la matière).

    • Décision du Conseil constitutionnel du 13 août 2021, concernant la loi confortant le respect des principes de la République

« 76. D’une part, en subordonnant l’autorisation à la vérification de la « capacité … d’instruire » de la personne en charge de l’enfant »… le législateur a entendu que « l’autorité administrative » s’assure « que cette personne est en mesure de permettre à l’enfant d’acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d’enseignement de la scolarité obligatoire. »

« D’autre part, en prévoyant que cette autorisation est accordée en raison de « l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif », le législateur a entendu que l’autorité administrative s’assure que le projet d’instruction en famille comporte les éléments essentiels de l’enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d’apprentissage de l’enfant.

Il appartiendra, sous le contrôle du juge, au pouvoir réglementaire de déterminer les modalités de délivrance de l’autorisation d’instruction en famille conformément à ces critères et aux autorités administratives compétentes de fonder leur décision sur ces seuls critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit. » 

« 77. Dès lors, sous la réserve mentionnée au paragraphe précédent, les dispositions contestées ne sont pas entachées d’incompétence négative… » 

« 78. En dernier lieu, si les dispositions contestées prévoient que l’autorisation d’instruction en famille est accordée sans que puissent être invoquées d’autres raisons que l’intérêt supérieur de l’enfant, elles n’ont ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à la liberté de conscience ou d’opinion des personnes qui présentent un projet d’instruction en famille. » 

« 79. Il résulte de ce qui précède que, sous la réserve mentionnée au paragraphe 76, les mots… »

Par cette « réserve » le Conseil constitutionnel tire la loi vers une interprétation et une application qui aurait du permettre aux parents de présenter et de défendre leur dossier de demande en s’appuyant uniquement sur les éléments « objectifs » et les choix raisonnés d’un projet pédagogique d’autant mieux construit qu’il serait adapté à l’enfant et d’une capacité à instruire visant l’acquisition par l’enfant du socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation. Ce qui est la moindre des choses, puisque les parents qui souhaitent avoir recours à l’IEF le font pour le bien de leurs enfants et non pour les mettre en échec scolaire, professionnel et social.

C’est ni plus ni moins respecter les principes républicains de l’instruction obligatoire et à ce titre fournir les garanties attendues de tout enseignement en France : se conformer à une progression continue et régulière adaptée à la situation de leur enfant dans les 5 domaines du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Les rectorat ne pouvaient que s’en féliciter, disposant ainsi de moyens de dialogues et de repères a priori, avant même de mener les inspections pour vérifier que tout se passe bien.

Mais cette perche tendue à l’administration de l’Education nationale n’a pas été validée par le Conseil d’état, bien au contraire !

    • Décision du Conseil d’État du 13 décembre 2022, les décrets régissant l’IEF
      • Au point 4 de sa décision, le Conseil d’Etat a pris le contrepied total du Conseil constitutionnel concernant la « réserve » qu’il émet au sujet de la « situation propre de l’enfant ».

Cette « réserve mentionnée au paragraphe 76 » pose le principe que « les autorités administratives compétentes » doivent « fonder leur décision sur les seuls critères » que sont « les éléments essentiels de l’enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d’apprentissage de l’enfant » et la « capacité d’instruire de la personne en charge de l’enfant ».

« L’intérêt supérieur de l’enfant » étant la seule « raison » qui « puisse être invoquée » pour « accorder » ou refuser « l’autorisation d’instruction en famille ». En conséquence, refuser une autorisation en raison de la nature de la situation propre serait donc discriminatoire, selon le Conseil constitutionnel.

Les conclusions logiques à tirer de cette « réserve » étaient à ce stade que :

D’une part aucun refus d’autorisation ne devrait être possible « au regard de la situation de l’enfant »,

D’autre part, la situation propre à l’enfant n’a pas à être justifiée dans la demande d’autorisation.

      • Or, le Conseil d’état décide a contrario que : « ces dispositions, telles qu’elles ont été interprétées par la décision n° 2021-823 DC du Conseil constitutionnel du 13 août 2021, impliquent que l’autorité administrative, saisie d’une telle demande, contrôle que cette demande expose de manière étayée la situation propre à cet enfant. »

En retenant cette lecture, le Conseil d’Etat considère que la notion de « situation propre à l’enfant » constitue bien une condition de délivrance de l’autorisation en IEF.

      • De plus, au point 2 de sa décision, le Conseil d’état ajoute: « il appartient à l’autorité administrative… de rechercher, au vu de la situation de cet enfant, quels sont les avantages et les inconvénients pour lui de son instruction, d’une part dans un établissement ou école d’enseignement, d’autre part, dans la famille selon les modalités exposées par la demande, et, à l’issue de cet examen, de retenir la forme d’instruction la plus conforme à son intérêt. »

Dans ce raisonnement, le Conseil d’état considère que l’administration peut se substituer aux parents pour décider quel est le meilleur choix d’instruction, donc de vie pour l’enfant. Ce qui s’oppose formellement à la lettre de l’article 26-3 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme évoquée plus haut.

« Ainsi, la décision unilatérale du Dasen a plus de poids que la qualité pédagogique du dossier des familles, que la liberté d’opinion de l’enfant, que la liberté de choix d’enseignement du parent, et même que les décisions de bons sens des juges des tribunaux administratifs qui ont suspendu les refus d’autorisation fondés sur une appréciation indue et arbitraire de la « situation de l’enfant ».

Le tout sans le moindre garde-fou ni éléments objectifs d’analyse qui puissent être partagés avec les familles ou servir de référentiel de sélection » (selon l’association Félicia, PDF « Situation propre à l’enfant pour Kit projet éducatif » https://federation-felicia.org/wp-content/uploads/2022/06/Situation-propre-a-lenfant-pour-Kit-projet-educatif-V2-2.pdf ).

      • En effet, le Conseil d’État a cassé le jugement dans plusieurs affaires gagnées par les familles au tribunal administratif où le juge, en respectant la réserve du CC, s’était appuyé uniquement sur la qualité du projet pédagogique des familles requérantes, pour trancher en faveur de l’autorisation d’IEF. A cette occasion, le Conseil d’état réitère « que la notion de “situation propre à l’enfant motivant un projet éducatif” constitue un critère à part entière à exposer “de manière étayée” et dont la pertinence peut être analysée par l’autorité administrative dans l’instruction des demandes d’autorisation » (association Félicia, ibidem).

Le Conseil d’état, en introduisant la situation propre de l’enfant comme « un critère à part entière à exposer de manière étayée » défait la recommandation du Conseil constitutionnel de mener, pour évaluer les demandes d’autorisation, des analyses rigoureuses, d’une part du projet pédagogique adapté à l’enfant et d’autre part de la capacité d’instruire des personnes en charge de l’enfant. Et rien d’autre, sinon l’appréciation de la recherche de l’intérêt de l’enfant.

A rebours de cette recherche d’objectivation, le Conseil d’état choisit d’ajouter un critère difficile à objectiver et à prouver et crée un flou propice à l’arbitraire. Ce qui peut permettre à un Directeur académique des services de l’Éducation nationale, peu soucieux de la liberté d’opinion, d’enseignement, de choix réfléchi du parent dans le meilleur intérêt de son enfant, de refuser massivement des demandes d’autorisation entièrement conformes en matière de pièces et de projets éducatifs, au motif, peu explicité, que cela ne suffit pas à « étayer » la « situation propre de l’enfant », selon l’appréciation de commissions composées uniquement d’administratifs et souvent défavorablement positionnés contre l’IEF.

De plus le Conseil d’État affirme une vision attentatoire à la liberté éducative et restreint un peu plus encore le respect du libre choix des parents à décider quel est le mode d’instruction et les formes d’apprentissages qui conviennent le mieux à leur enfant. Il y substitue une appréciation administrative, comme si celle-ci pouvait être, en un seul regard à partir d’un dossier, plus juste et plus profonde en matière de suivi éducatif que le vécu et le dialogue quotidien entre parents et enfants.

Le Conseil d’État permet que cet arbitraire devienne une norme opérationnelle contre les parents demandeurs, entrainant ceux-ci dans des recours administratifs lourds et/ou, pire, dans de coûteuses procédures judiciaires aux résultats aléatoires.

3. Réflexion finale sur la justification ou non de la « situation propre de l’enfant » :

Cette décision met les familles dans un embarras considérable par la contradiction juridique qu’elle représente et l’insécurité évidente que cela provoque. Cela alimente également des décisions judiciaires contradictoires que les tribunaux rendent sur des situations comparables, les uns suivant l’avis du Conseil constitutionnel, les autres (et c’est la majorité) suivant la jurisprudence du Conseil d’état.

En effet, la différence d’interprétation entre ces deux sources de jurisprudence suprêmes qui se positionnent dos à dos est la cause de beaucoup de trouble et d’incertitude que vous devrez dépasser en tentant votre chance (car il s’agit malheureusement en partie de cela) avec le plus de motivation, de confiance et de rigueur pour constituer et défendre votre dossier de demande d’autorisation.

  • Face à cette incertitude qui tourne autour de la « situation propre de l’enfant », que faire ?
    • S’appuyer sur le socle juridique objectif défini par la loi et souligné par le Conseil constitutionnel, à savoir exprimer avec précision, rigueur et responsabilité (ou maturité) :
      • que votre projet pédagogique (dont nous avons ci-dessus défini les éléments de contenu et de méthode) est réalisé en raison de l’intérêt supérieur de l’enfant et non de votre seule préférence personnelle. Ceci signifie que l’enfant doit être au centre de la description du projet comme il est au centre de votre amour et de votre implication éducative. Nous avons déjà vu les liens qu’il faut établir entre le projet pédagogique et les capacités et le rythme d’apprentissage de l’enfant.
      • les modalités de l’instruction au regard du socle commun de connaissances de compétences et de culture, pour prouver votre capacité à instruire votre enfant selon les attendus de la loi (article L. 122-1-1 du code de l’éducation décret du 31-3-2015) :

https://www.education.gouv.fr/bo/15/Hebdo17/MENE1506516D.htm.

https://www.education.gouv.fr/le-socle-commun-de-connaissances-de-competences-et-de-culture-12512

https://eduscol.education.fr/139/le-socle-commun-de-connaissances-de-competences-et-de-culture

Nous avons également vu les progressions à établir et les méthodes et supports à présenter.

    • Sans oublier tous les autres éléments demandés par l’administration (voir la liste donnée au début de cet article) qui vont constituer le fond administratif de votre dossier de demande.

Ainsi vous assurez la base fondamentale de votre projet.

  • Définir aussi clairement que possible « la situation propre de l’enfant » ?

On sait que la loi ne vous oblige pas à citer explicitement et à justifier la « situation propre » de votre enfant, lors de votre demande d’autorisation pour motif 4. Mais, à l’évidence le Conseil d’état a posé des repères auxquels bon nombre de Dasen se fient pour justifier le refus. Ne pas nommer ni justifier la « situation propre » de l’enfant peut perturber « l’autorité compétente » et mener à des refus pour « motif non explicite ».

Vous n’avez pas à démontrer que les particularités de votre enfant lui interdisent de fréquenter l’école, mais le Conseil d’état vous demande « d’étayer » la description de ces particularités, notamment en termes d’apprentissage (besoins – auxquels l’école ne pourra répondre – ou difficultés – que l’école ne peut corriger) et de progression (l’ennui des surdoués qui devancent tout le monde…).

Il y aura donc une partie de votre dossier qui sera consacrée à la description des particularités de votre enfant (état de santé précaire, hypersensibilité au bruit nuisant à l’apprentissage, bilinguisme, précocité, etc.) et de la situation qu’il traverse ou vit, qu’il s’agisse de la sienne propre (difficulté psychologique, passion pour un domaine ou un manière de vivre particulière) ou d’une situation en lien avec sa famille (déménagement à venir, itinérance momentanée…). Il est assez attendu que ces caractéristiques rendent, sinon impossible, du moins contrarient fortement son inscription dans un établissement.

« Notons qu’un nombre non négligeable de décisions, rendues en référé et au fond, ont écarté le fait que le manque de propreté, l’inadaptation du rythme scolaire au cycle de sommeil de l’enfant, une fratrie déjà instruite en famille et l’emploi d’une pédagogie alternative puissent constituer une situation propre à l’enfant.

Sur ce dernier point, notons que l’ordonnance rendue le 3 août 2022 par le tribunal administratif de Toulouse avait reconnu, indirectement, la situation propre de l’enfant en retenant, notamment, que sa fratrie était instruite en famille. » (La Norville Avocat – Me Antoine Fouret)

« Enfin, au regard des dernières décisions rendues par les juridictions dans les affaires au fond, il semble nécessaire de démontrer que l’instruction en famille serait plus propice à l’instruction de l’enfant que la scolarisation (ce qui n’a pas empêché des refus d’autorisation à deux parents enseignants en disponibilité pour élever leur enfant). Une balance des intérêts et des opportunités semblent donc se dessiner pour définir la situation propre à l’enfant qui serait alors une sorte de « situation justifiant que l’enfant reçoive une instruction en famille plutôt qu’à l’école ». » (La Norville Avocat – Me Antoine Fouret)

  • Faire de la « situation propre de l’enfant » une force plutôt qu’un obstacle !

Il n’y a pas de réelle séparation entre votre projet pédagogique et la situation propre de votre enfant, car vous répondez aux particularités de votre enfant par une pédagogie et des rythmes adaptés.

« Il est donc nécessaire que votre projet pédagogique soit la résultante de la « situation propre » de votre enfant. Ainsi, vous devrez décrire les rythmes et les capacités de votre enfant et les mettre en lien avec vos méthodes pédagogiques, réfléchies dans son intérêt supérieur. »

Le préalable fondamental est donc l’adaptation du projet éducatif ; il ne doit en aucun cas être stéréotypé et il doit présenter une éducation sur-mesure de l’enfant concerné et l’articuler avec la situation propre mise en avant.

Cela donne une sorte de canevas dans lequel les particularités de l’enfant sont prises en compte par la pédagogie et les adaptations dans les apprentissages et les rythmes et dans lequel on voit comment l’enfant répond aux sollicitations éducatives et comment il dépasse ses difficultés grâce à votre pédagogie.

On vous voit accompagner votre enfant dans sa progression à l’aide de vos méthodes et outils et on voit l’enfant vivre et progresser en s’appropriant vos méthodes et outils…

Veillez à présenter votre projet sous une forme de réflexion positive envers l’enfant et non par simple confort ou rejet de l’école ou par la défense sur affirmée d’une méthode pédagogique non appliqué dans l’éducation nationale.

En conclusion

Il apparaît donc que la mise en œuvre de la loi par l’administration scolaire est clairement discriminatoire et vise à restreindre sans raison valable, par pur calcul politique les possibilités de recourir à l’instruction en famille, notamment en ce qui concerne l’application du « motif 4 ». C’est clairement énoncé par le ministre de la réforme, Jean-Michel Blanquer qui dit avec un certain cynisme : « la liberté d’enseignement n’est aucunement remise en cause par cette loi et ses décrets, même si elle rend l’accès à la modalité d’instruction en famille très compliqué ! »

Y avait-il donc une nécessité de rendre si difficile une instruction à la maison qui il y a peu était vécu de manière, sinon aisée, du moins simple et dans le droit fil d’un projet de vie qui a du sens ? Il faut croire que oui, puisque la volonté initiale du président Macron était purement et simplement d’interdire l’IEF.

Cette interdiction n’a pas eu lieu, mais à cause des décret et de l’interprétation du Conseil d’Etat, « le Ministère conserve le pouvoir d’être la seule autorité de référence dans l’évaluation des demandes d’autorisation puis, comble de l’ironie pour les principes de la République, celui de rester seul juge à la table de l’évaluation en cas de procédure de recours entamée par les familles (le RAPO). L’Éducation nationale définit non seulement quels sont les critères d’autorisation des dossiers pour situation propre, mais reste aussi seule juge en cas de contestation de la décision par les familles. » (Association Félicia, ibidem)

Que cela ne nous décourage pas ! Ce n’est pas la première fois que le pouvoir cherche à dissuader les citoyens d’user de leur liberté en leur compliquant la vie, jusqu’à menacer de la leur enlever. Face à cette détermination de l’exécutif qui peut représenter une sorte de « mur », ayons la même détermination pour le franchir.

C’est l’occasion de donner à l’IEF ses lettres de noblesse en poussant plus loin la réflexion sur la relation pédagogique entre parents et enfants et en approfondissant les raisons qui font que l’on souhaite être le précepteur et au-delà l’éducateur de ses propres enfants. Ce n’est pas rien tout de même !

Chercher à ce que nos enfants ne subissent plus les errances et dérives du « mammouth » est une chose, mais créer une autre forme de relation entre eux et nous, dans laquelle entrent la transmission du savoir commun, mais également la transmission de savoirs propres, de valeurs spécifiques, de réflexions créatrices, c’est tout à fait autre chose ! C’est « élever » les enfants en hommes libres et créateurs, en citoyens empathiques et responsables.

C’est aussi l’occasion de nous interroger sur la nécessité de démembrer le « mammouth » et de relayer sa lourdeur de plus en plus incompétente et aliénante, pour ne pas dire aberrante et mortifère, par une multitudes de micro-écoles ou par des projets locaux de toutes tailles au niveau de la commune, du département, de la région, mais sur des dimensions humaines qui excluent le centralisme et le nationalisme, fussent-ils ceux d’une démocratie, démocratie de plus en plus critique.

C’est préserver et construire l’intérêt supérieur de l’enfant au-delà des simples déclarations d’intention et des concepts juridiques et exercer notre autorité parentale, non seulement dans le cadre de la famille, ce qui est son lieu naturel d’expression, mais encore face à toutes les instances et autorités, politiques, administratives, sociales, éducatives, culturelles, ce qui doit devenir le terrain d’expansion de sa véritable vocation, celle de la famille fraternelle.

Didier

Complément : ressources, associations et collectifs IEF nationaux

  • Trouver une association ou un collectif près de chez moi

https://instructionenfamille.org/trouver-une-association-ou-un-collectif/ 

  • VIVRE EN FAMILLE (La vie entière est une sortie pédagogique)

https://vivreenfamille.org

https://vivreenfamille.org/ief/facebook-instruction-en-famille/

  • Association UNIE

https://association-unie.fr

  • Association LAIA

https://laia-asso.fr

  • « Association Les Enfants d’Abord (LED’A)

(https://www.lesenfantsdabord.org)

  • Les associations nationales et groupes locaux pour l’IEF

https://www.pass-education.fr

  • Association FÉLICIA (Fédération pour la Liberté du Choix de l’Instruction et des Apprentissages) 

federation-felicia.org

  • L’association PIEE (Parents Instructeurs Enfants Épanouis)

piee.wifeo.com.

  • Liberté éducation

liberteeducation.com

  • L’association Enfance Libre

enfance-libre.fr

  • Le collectif l’École est la Maison (EELM)

lecoleestlamaison.blogspot.com

https://www.facebook.com/groups/351504575988332

  • COLLECTIF INES

Collectif INES – Instruction en famille